jueves, 20 de enero de 2011

THIS TIME FOR AFRICA.

Nous avons passé toute notre vie, avec des informations de diverses sortes et de divers pays. Et ces informations font que chacun de nous se fait une idée par rapport aux réalités des autres pays.

En Afrique, la vision que nous avons de l’Europe est celle qu’on nous laisse entrevoir et entrapercevoir dans les séries importées, les films; Ce que nous lisons dans les livres, et ce que nous expliquent ceux qui ont émigré... L'image qui nous arrive est celle d’une Europe riche et attrayante.Et c’est pour cela que plusieurs africains voient l’Europe comme une ville de lumière, un panorama de montagnes vertes qui se profilent à l’horizon, une Europe de gens bien vêtus, qui distillent du bien-être.
Moi j’ai toujours pensé qu’ici en Europe, l’idée que les gens ont de l’Afrique, est celle de nos réalités de chaque jour, une Afrique étouffante, avec ses motos, son aire pollué, ses marchés bouillants, ses sourires, sus tissus multicolores, ses vastes savanes, sa vigoureuse et hospitalière population…

Mais je me trompais.

Un jour, mi-couchée dans mon fauteuil européen, zappant chaîne après chaîne, je suis tombée sur un documentaire sur l’Afrique. Je suis restée hébétée devant les images des enfants morts de faim avec des mouches tout autour, le ventre ballonné, malades certains de Kwashiorkor, et d’autres rachitiques, tous pleurant avec un filet de voix aigüe et bizarre. Je suis restée abasourdie, avec le front plissé, devant la quantité impressionnante de déchets, des montagnes et des montagnes de poubelle, avec des gens tout autour, dans la plus normale des routines. Des petites filles accroupies, main au menton, perdues dans leurs pensées, sans innocence. Je suis restée pétrifiée devant les marchés de terre battue, avec des femmes tristes et des hommes surchargés de colis, tous vêtus en haillons. Des villages entiers de terre, des chemins "seize" et des enfants avec des cache-sexes comme seule tenue. Toute émue, j’ai vu des hommes, vieux, chargés comme des mules et tirant des vaches maigres et des ânes faméliques. Je n’ai vu aucune structure, aucune maison en ciment, rien. J’ai eu mal au cœur en pensant qu’il y avait encore en Afrique, des gens qui vivent dans de telles conditions. Tout un pays dans une pauvreté infinie et horrifiante.

J’ai désiré qu’il y ait une aide humanitaire pour tout ce monde et songeuse, je me suis déconnectée des images en pensant si un jour, tous ceux-là sortiront de cette pauvreté maladive, si un jour l’Afrique finirait avec tous ses problèmes. Et soudain, je suis revenue à la réalité. La voix Off, avec un léger accent transformé par la peine et la désolation, avec un ton larmoyant et lavé par le chagrin et le dépit, disait le nom de mon pays. Mon pays ? Mon pays ? Ça ce n’était pas chez moi.

Où sont les images de ma ville? Et celles de mon village ? Où sont les rues pavées et les chemins goudronnés que je parcourais chaque jour pour aller à l’école ? Où ? Où sont les hommes pressés, sur leur moto ; les femmes dans leur voiture et leurs habits de mille couleurs et dessins extravagants ? Où est notre dignité ? Ça ce n’est pas mon pays.
Où sont nos marchés en ébullition ? Et les enfants vêtus à la dernière mode, comme les noirs-américains du début du siècle passé ? Ce style qui pour nous est toute une explosion de glamour et de finesse. Où sont les enfants joufflus, avec leur gazouille qui déjà prédit un flot de voix lié à la bonne alimentation à base de maïs, de voandzou, de riz, de soja, de lait en poudre, de poissons fumés et de coquilles d’œufs ? Où sont nos immeubles lumineux ? Et les rues ambiancées qui chaque nuit bourdonnent à cause de la foule. Je suis d’accord que nos villages ne sont pas comme nos villes, mais ce pays que je voyais à l’écran n’était pas le mien.

Au Dahomey, dans les villages, au moins les gens sourient. D’où ont-ils sorti toutes ces poubelles qui étaient des hectares et des hectares de déchets ? Ça ce n’est pas mon pays.
Je suis restée bouche bée, me demandant pourquoi ils passaient ces images à la télé et non pas les autres, les vrais images de chez nous. Les images des gens dans leur routine de chaque jour, allant au travail, ou en sortant la nuit à Cotonou, a Yaoundé ou à Abidjan ; Les images des boîtes et des bars pleins à craquer comme dans les bars de n’importe quel pays européen. Pourquoi mettaient-ils ces images qui ne laissent entrevoir ni un brin de modernisme social, sinon seulement une pauvreté infinie?
Moi je n’avais jamais vu ces lieux qu’ils montraient dans le documentaire. Jamais, après quasi deux dizaines d'années dans mon pays natal.

Mon pays, n’est pas le pays des enfants rachitiques et le Kwashiorkor n’entre même plus dans notre vocabulaire quotidien. Nous avons des supermarchés. Nous avons des écoles. Chez nous, il y a des gens qui s’habillent avec des pantalons et des chemises, des filles avec des minis jupes et leurs ceintures enco, des salons de coiffure. Nous avons des bus, nous avons des taxis, des taxi-motos, Nous avons un service public d’électricité et d’eau. Nous avons des sièges gouvernementaux, des défilés de mode, des festivals de ciné et de théâtre ; Nous avons des climatiseurs, nous avons des banques… Et excusez-moi pour énoncer des choses si élémentaires, mais c’est que dans le documentaire que j'ai, il n’ya avait rien de tout cela. Nous avons tout, pas autant modernisé qu’en Europe, c’est clair, mais nous l’avons. Ce documentaire ne donnait qu’une image triste de l’Afrique, une Afrique méconnaissable pour les propres africains, une Afrique pas seulement pauvre, mais finie et écrasée sous le poids des maladies virulentes et de la pauvreté.

Et cela me rempli de rage.


J’ai pensé que peut-être qu’ils mettaient ces images pour inciter les Ong’s ou pour sensibiliser les gens à faire des aides humanitaires, mais cela n’apaisa pas ma rage. J’ai pensé que peut-être tout cela était réellement chez nous au pays, même si moi je ne l'avais jamais vu, mais cela n’apaisa pas ma rage. J’ai pensé, j’ai réfléchi, j’ai médité, j’ai cogité, j’ai considéré, j’ai raisonné mais cela n’apaisa pas ma rage. Un sentiment sourd de fureur, qui monta en moi du plus profond de mes entrailles, comme quand on te ment et tu le sais, comme quand tu ne peux rien faire pour répondre à une insulte humiliante.

Mon pays n’est pas comme ils veulent le faire voir. Quel besoin ont-ils de réduire tout un pays à cette image ? Tout un continent minimisé à cela. Il doit avoir d’autres manières de sensibiliser les gens. Mais pour plus de raisons que je cherchais pour justifier ce documentaire, plus je m’enrageais. Et je me suis rappelée de CAD PRODUCTIONS et leur documentaire sur l’immigration, quand Philippe m’a dit qu’eux, ils voulaient sensibiliser les gens sur l’immigration, mais pas avec les mêmes reportages que toujours, qui montrent des noirs en pirogue, les lèvres sèches ou travaillant dans des champs de culture agricole. Mais plutôt une image différente « parce qu’il y a des immigrants qui viennent en Europe, qui travaillent, qui payent leurs impôts, et ont une vie comme n’importe qui d’autre ici »
Pourquoi tout le monde ne fait pas comme ceux de CAD PRODUCTIONS ? Un reportage différent sur les pays africains avec notre réalité de chaque jour. Pour que n’importe qui, qui veuille aller en Afrique ne s’attende pas à voir rien que des mouches, pour que les gens arrêtent de penser que les africains sont des « morts de faim », que nous venons tous d’une tribu de la forêt de Botswana et que nous vivons tous avec des cache-sexe et dans des cabanes. En Afrique, il n’y a pas que la pauvreté. Il y a aussi des richesses. C’est triste que de nos jours l’Afrique est directement lié à la mort, aux maladies, à la pauvreté, à la décadence, à la guerre…

En Afrique, il y a des gens pauvres, il y a des maladies, il y a des gens qui n’ont rien et qui vivent dans le besoin le plus absolu. En Afrique il y a des pays qui sont en guerre et d’autres qui sont soumis dans une dépression sans fin. C’est vrai. C’est une vérité irréfutable. Mais il y a aussi d’autres choses. Chez nous, il y a pleins de gens qui dorment dans des lits, avec des matelas. Des gens qui se lèvent chaque matin avec leur réveil radiophonique, qui se douchent avec de l’eau potable, et qui prennent leur voiture, leur moto pour aller travailler. En Afrique il y a des gens qui ont une vie normale, une maison avec jardin et même une seconde résidence pour les pique-niques du dimanche, avec la famille. Des gens qui ont des animaux de compagnie comme dans n’importe quel autre pays. Des gens comme mon voisin, ma voisine, mes professeurs, mes amis, ceux de ce quartier, ceux de là-bas, celui-ci, celui-là… Des gens normaux, propres et heureux, qui se lavent chaque jour et qui mangent chaque jour. Ce qui n’est pas normal c’est qu’en plein XXI siècle, il y ait encore des gens qui se demandent si en Afrique il y a des universités, s’il y a des écoles, si nous avons des télévisions, s’il y a de l’électricité, si nous avons internet….

Et je me suis rappelé que parfois dans ma ville, avec mes amis, nous voyions passer des blancs mal vêtus avec des tee-shirts percés et délavés. Beaucoup de touristes vont en Afrique avec des habits à jeter dans l’espoir de le laisser aux autochtones. Cela n’a rien d’étonnant parce qu’après avoir vu des documentaires comme celui que moi j’ai vu, ils doivent penser que pour nous, n’importe quelle chemise, même usagée est un cadeau du ciel. Je n’imagine pas ma copine Nadia, combinant des tops délavés de « yovos » avec ses hauts talons. Mais il faut dire que nous, nous acceptons ces cadeaux, parce que dans tous les cas, comme serpillière, n’importe quelle chose est valable.

Les télévisions européennes transmettent une information unidirectionnelle du continent noir. Ils expliquent comment nous mourrons jour après jour, et comme nous ronge la pauvreté. Comme a dit Chimamanda Ngozi Adichie, écrivain nigériane et lauréate du prestigieux prix britannique Orange Prize for Fiction « …Trop de gens expliquent comme l’Afrique meurt et trop peu disent comment l’Afrique vit… »

L’Afrique que moi j’ai vécu n’est pas l’Afrique que j’ai vu dans ce documentaire. L’Afrique que moi je connais n’est pas l’Afrique des enfants sous-alimentés, ni celle des mouches, des poubelles et des cache-sexe. L’Afrique que moi j’ai vécu est une Afrique bouillante, avec ses denses circulations, ses familles, ses messes de dimanche, ses sorties à la plage, ses musiques…
Quand arrêterons-nous de visualiser une Afrique stéréotypée pour voir une Afrique réelle ?

J’ai été dégoutée par ce reportage et je me suis sentie bernée. Je sais que tout a une raison d’être, mais ça, ce n’était pas mon pays. Mais bon, si c’est l’image qu’ils veulent avoir de l’Afrique, tant pis pour eux. Moi je sais l’Afrique que j’ai dans mes souvenirs et celle que je porte en moi, au plus profond de mon cœur.

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